Présentation de l’éditeur :
« Un léger frémissement envahissait les contrées qui voyaient apparaître les Vraiment Faibles. Leur nom courait à nouveau sur toutes les lèvres depuis des mois. Ils n’avaient pas de maisons ; ils mendiaient le riz et la purée de fèves dont ils avaient besoin, ils aidaient les paysans et les artisans. Ils ne prêchaient pas, ne cherchaient à convertir personne. En vain des littérateurs se mêlaient à eux pour s’efforcer de découvrir dans leurs paroles un dogme religieux. La nuit, la plupart couchaient sous les rochers, dans les forêts immenses, les cavernes. Souvent, des plaintes et des sanglots bruyants s’échappaient de leurs abris. Il venait là de jeunes débauchés avec des filles qu’ils avaient libérées des maisons peintes. On voyait souvent les filles qui comptaient parmi les sœurs les plus vénérées dans d’étranges extases, et on entendait leurs balbutiements incompréhensibles. Beaucoup d’entre eux ne mangeaient pas de viande, ne cueillaient pas de fleurs et semblaient liés d’amitié avec les plantes, les animaux et les pierres. »
Paru en pleine Grande Guerre, premier grand roman d’Alfred Döblin, Wang Lun s’empare d’un événement de l’histoire chinoise du XVIIIe siècle : un soulèvement des pauvres contre l’oppression. Accompagnant la grandeur et la décadence d’un fils de pêcheur devenu l’instrument d’une immense révolte populaire, il tourne autour d’une question : est-il fatal que les faibles se servent des armes des forts et s’enferment à leur tour dans la sphère du pouvoir et de la violence ?
Première édition originale Fischer Verlag, 1915 - Première édition française, Rieder/PUF, 1932.
Dernière édition française, Fayard, 1989 - Dernière édition allemande, Fischer Verlag, 2009.
L’auteur :
Alfred Döblin (1878-1957) est né au sein de la bourgeoise juive. Il déménage très tôt pour Berlin, ville qui a profondément influencé son œuvre et où il vivra jusqu’à son exil à Paris en 1933 - qu’il fuira en 1940 pour les États-Unis. Pendant la Première Guerre mondiale, déclaré inapte au service sur le front, il est affecté comme médecin militaire en Lorraine puis en Alsace, expérience qui nourrit le premier des quatre tomes du roman historique Novembre 1918. Le succès, dès sa parution, de Berlin Alexanderplatz (1929), cache une œuvre immense, encore largement méconnue, une situation dont Döblin souffrira lorsqu’en 1945 il revient dans une Allemagne où ce contestataire sans drapeau n’a plus de place et peine désormais à se faire éditer.
Revenant sur Wang Lun, Döblin fournit la clef invisible de la composition de l’œuvre, qui est musicale : « Dans un roman chinois, j’ai commencé par le coup de timbale et le sourd roulement de tambour de la révolution souterraine. Pour des raisons purement formelles, je dirais musicales, le livre commence par le récit d’un seul, récit que je déroule ensuite, et cet homme doit devenir le fil rouge auquel d’autres fils s’agrègent, et c’est ainsi que je regroupe autour de lui des individus, je l’implique dans des actions afin que davantage de personnages se regroupent autour de lui, et ainsi je fais de lui le héros, le moteur de ce mouvement, j’ajoute pour élargir quelques épisodes supplémentaires et j’ai maintenant posé le début de mon livre, pour des raisons purement artistiques. C’est cette volonté de créer du dynamisme et des proportions, une musique architectonique, qui ont exigé et contribué à produire ces personnages, leur rencontre et leur progression caractéristiques. La loi de la forme a proprement créé le contenu, tel qu’il existe concrètement. Mais le thème était : quelqu’un combat en vain la violence sans utiliser la violence, un héros faible, le vraiment faible. »
Table des matières :
Préface par Michel Vanoosthuyse
Dédicace
Livre I. Wang Lun
Livre II. Le Melon Ouvert
Livre III. Le Seigneur de la Terre Jaune
Livre IV. Le Paradis de l’Ouest
Tableau des transcriptions pinyin & glossaire
Éditions Agone, parution le 20 janvier 2011
ISBN : 978-2-7489-0137-5
512 pages / 14 x 21 cm / 32 euros