M. N. POKROVSKY (1868-1932), vieux social-démocrate de Russie, membre de la fraction bolchéviste depuis 1905, puis de la tendance de gauche dont A. Bogdanov fut le principal théoricien, a été connu surtout comme historien. Mais il a joué un rôle en tant qu’homme politique pendant la révolution de 1917. Président du Soviet de Moscou, puis du Conseil des Commissaires de la Russie centrale, il a participé ensuite aux pourparlers de Brest-Litovsk, avant de devenir Commissaire adjoint à l’Instruction publique. Partisan de l’opposition de gauche, lors du violent conflit suscité dans le Parti par la paix de Brest, il s’est rallié au point de vue officiel pour ne plus s’en écarter et finir comme fonctionnaire. On lui doit d’importants travaux historiques il tendance marxiste, souvent discutables, toujours de haute tenue et de sérieuse documentation : Histoire de la Russie depuis l’antiquité, Essais sur l’histoire de la civilisation russe, Abrégé d’histoire de la Russie, Esquisses d’histoire du mouvement révolutionnaire en Russie, La lutte des classes et l’histoire de la littérature russe, La politique étrangère de la Russie au XXe siècle, Le marxisme et les particularités du développement historique de la Russie, La révolution d’Octobre, etc. Il a dirigé en collaboration plusieurs revues, notamment : Les Archives rouges, Le Messager de l’Académie socialiste (plus tard : communiste), Sous le drapeau du marxisme, L’historien marxiste, etc. La part qu’il a prise à la persécution de l’opposition dans son parti et des historiens libéraux en URSS n’est pas à son honneur.
O. MINOR (1861-1932), vétéran du parti socialiste-révolutionnaire de Russie, a passé presque toute son existence d’adulte en prison, en déportation ou en exil. Le sort a été cruel à cette sorte de révolutionnaires pour qui la révolution, espoir de leur vie, n’a répondu en rien à leur idéal. C’est par une fâcheuse confusion de termes que le même vocabulaire socialiste sert à la fois aux partisans de la révolution d’Octobre et à ses adversaires.
KARL MOOR (1852-1932), un des plus anciens social-démocrates de Suisse, membre de la Ière Internationale, puis de la IIe et de la IIIe, a rendu de grands services au mouvement révolutionnaire, auquel il a consacré sa fortune. « Issu d’une famille de généraux » écrit K. Radek, il a mis souvent à profit ses relations d’origine pour soutenir les socialistes et particulièrement les bolcheviks et les spartakistes.
EDOUARD BERNSTEIN (1850-1932), fils d’un ouvrier, et le dernier survivant du parti d’Eisenach ; un des fondateurs de la social-démocratie d’Allemagne, compagnon de lutte de Bebel et de W. Liebknecht, disciple de Marx et d’Engels après avoir été celui d’Eugène Dühring ; exilé en Suisse, puis en Angleterre, sous les lois d’exception de Bismarck ; exécuteur testamentaire d’Engels. Théoricien du « révisionnisme » à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, il a eu le grand mérite d’appeler les choses par leur nom, de chercher à accorder la théorie et la pratique et de réviser une doctrine qui exige en effet une révision constante d’elle-même par elle-même — sans avoir pu cependant la dépasser. L’expérience et l’histoire ont réfuté le « révisionnisme » après la réfutation théorique, alors que le marxisme subit à son avantage l’épreuve du temps. Mais Bernstein a pris sa revanche dans la pratique de la social-démocratie, conforme à ses idées, de même que Lassalle a eu le dernier mot posthume contre Marx sur le plan de l’action quotidienne. Faut-il en déduire que le marxisme devance de trop loin et domine de trop haut le mouvement réel de la classe ouvrière ? Quoi qu’il en soit dans l’actuel état de nos connaissances, si Bernstein a représenté le présent stérile du socialisme, c’est bien Marx qui en incarne l’avenir. Il a paru en français, de Bernstein : Socialisme et Science, Socialisme théorique et social-démocratie pratique, La grève et le lock-out en Allemagne, Ferdinand Lassalle, le Réformateur social ; en allemand : La Révolution d’Angleterre, Histoire du mouvement ouvrier à Berlin, et des mémoires. Avec Bebel, Mehring et Riazanov, il a édité les œuvres posthumes de Marx et d’Engels.