(Où il apparaît que la lutte des travailleurs contre l’ennemi de classe ne passe pas par l’intermédiaire des organisations syndicales reconnues d’utilité publique).
Un atelier d’outillage de 100 métallos à Paris, dont une majorité de travailleurs « 15 ans de maison » et quelques jeunes.
Histoires de jeunes racontées par un militant ouvrier chevronné :
Jacques en a marre de la boîte. Il va donner son compte mais la dernière fois, dans une autre entreprise, il a été obligé de faire ses quarante heures. Ce matin là il donne son compte, fermement décidé à être payé sans faire les quarante heures.
8 heures. Le contremaître passe, Jacques à sa machine lit le journal : c’est le Parisien Libéré, Jacques n’est pas un provocateur. Alors on ne travaille pas ?
— Moi, je travaille.
— Comment çà ? tu travailles !
— Oui, moi je travaille.
Jacques se replonge dans son journal. Le contremaître disparaît.
8 heures 30 — même manège — dix minutes après même édition.
À 10 heures, Jacques est appelé à la direction du personnel. 5 minutes plus tard, il quitte l’usine, sa paie en poche.
Une partie du travail de Philippe consiste à centrer sur une machine des pièces dont je ne me souviens plus le nom mais qui sont pleines de graisse. Il en a plein les mains. Le contremaître lui refuse les gants demandés parce que les gants sont destinés à préserver les mains des blessures, non de la saleté.
Le lendemain, Philippe centre ses pièces graisseuses les mains dans deux beaux gants de toilette. Le contremaître écœuré ne dit rien. Depuis, Philippe travaille avec ses gants de toilette qui ont perdu leur blancheur Persil.
Aucune pression syndicale, militante n’a prise sur ces jeunes. Ils n’ont aucune formation politique. Plus-value ! Kesako ? L’usine aux ouvriers ! T’es un marrant ! Ils ne comprennent pas non plus les principes paternalistes du patron et ne voient pas le bénéfice qu’ils pourraient tirer de la collaboration ouvrier-patronat. Ils se défendent à l’individuelle.
Mais de l’avis du militant chevronné qui leur tire son chapeau, ces jeunes n’ont pas froid aux yeux et çà promet d’être sauvage le jour où la paie sera inférieure au minimum acceptable.
Moi qui ne suis ni jeune ni chevronné, je dois reconnaître que Philippe et Jacques ont obtenu plus que les milliers de Jacques du secteur public, après 35 heures 27 minutes de grève préparée 23 jours à l’avance, puisque ceux-ci n’ont rien obtenu.