L’attitude de Hans Block, un partisan de Kautsky, comme rédacteur en chef de la Leipziger Volkszeitung en 1913 devait précipiter la fondation du journal d’opposition et de regroupement des futurs spartakistes, la Sozialdemokratische Korrespondenz (SDK).
En juin 1912, Franz Mehring avait rompu tous les ponts avec la Neue Zeit. Mais sa collaboration avec la Leipziger Volkszeitung rencontra aussi des difficultés. Certains de ses articles (comme ceux de Rosa Luxemburg) furent refusés, d’autres amputés - procédé qui avait toujours excité la colère de Rosa Luxemburg.
Ces incidents aboutirent à la rédaction d’une lettre envoyée à Hans Block : « Voici ce dont il s’agit : nous trois - et moi [Marchlewski] en particulier, point sur lequel je tiens à insister - considérons que le parti traverse une crise intérieure beaucoup plus importante qu’au moment de l’apparition du révisionnisme. Ces mots peuvent paraître durs, mais je suis convaincu que le parti menace de tomber dans le marasme le plus complet si les choses continuent sur la voie où elles sont engagées à l’heure actuelle. Dans une telle situation, il n’y a qu’un seul moyen de salut pour un parti révolutionnaire : l’autocritique la plus sévère et la plus intraitable » (Nettl, La vie et l’œuvre de Rosa Luxemburg, Maspéro, p. 449).
Onze jours après cette lettre (27 décembre 1913), le premier numéro de la SDK paraissait. Le siège était l’appartement de Marchlewski, les fonds étant réduits. Chaque numéro hebdomadaire était composé d’un article de Rosa, un de Mehring et d’une rubrique économique de Marchlewski. SDK était polycopiée et même si les rédacteurs n’espéraient pas atteindre un large public, ils espéraient que d’autres journaux passent leurs articles. Le succès ne vint pas, seuls quatre journaux reproduisirent quelques articles. Le journal survécut jusqu’après le début de la guerre, mais à partir de novembre 1914, seul l’article économique continua à paraître. Rosa pensant alors qu’une revue plus théorique, aux horizons plus larges, un organe central qui puisse aussi fournir des orientations permettant de faire face aux conditions nouvelles de la guerre devait voir le jour. Rosa prépara donc, avec Mehring et Marchlewski, la parution de Die Internationale.
Parlant de l’augmentation du chômage, Rosa écrivait dans le premier numéro : « Nous n’avons qu’une seule arme pour lutter contre cette tendance dépressive : la radicalisation socialiste de l’opinion publique [...] Nous serions des charlatans aussi stupides qu’insensibles si nous essayions sérieusement de persuader les ouvriers affamés que nos plans et nos projets pour améliorer le sort des chômeurs étaient capables de produire la moindre réaction chez la classe dirigeante [...] si ce n’est un haussement d’épaules. » (SDK, 27 décembre 1913, Nettl, op. cit., p. 459)
Et, sceptique sur la volonté réelle manifestée par la direction du SPD concernant la campagne pour une réforme électorale en Prusse, elle ajoutait : « Nous serions certainement ridicules aux yeux de nos amis et de nos ennemis [...] si nous laissions soupçonner les masses que, derrière nos mots d’ordre de lutte, il n’y a aucune volonté d’agir. [...] Si la volonté manque au sommet, alors l’initiative, dans un parti vraiment démocratique comme le nôtre, doit venir d’en bas, de la province. » (SDK, 6 juin 1914, Nettl, op. cit., p. 461).