Paris Juin 1948
(lettre manuscrite en majeure partie illisible)
(...) Ton article a fait très bonne impression. Cela ne fait pas de mal de régler leurs comptes à tous ces saltimbanques de la politique. Tu avais promis d’autres articles et nous les attendons... les camarades attendent tes articles. A bon entendeur salut ! (...)
La vie politique ici ? Dislocation des trotskystes dont une bonne moitié est passée au R.D.R. de Sartre et Rousset. A propos je vais t’envoyer les derniers numéros de leur journal. Quelle bande de cafouilleux. Tu jugeras toi-même.
Congrès du parti en Italie qui revient vers des positions plus proches de nous, mais par ailleurs c’est une reproduction du mauvais bolchevisme avec discipline et étouffement de toute vie intérieure. Dans le prochain « Internationalisme », je fais un examen-critique de taille de ce congrès.
Nous avons essayé d’organiser des discussions de contacts avec la tendance Chaulieu, le groupe de la F.F.G.C., le R.K.D. Après 3 réunions c’est dans l’eau. C’est désespérant de ne pas trouver un groupe de militants arrimés à la volonté de confronter les positions loyalement. C’est ou bien du sectarisme ou le rassemblement sans principes, mais toujours la fuite devant la précision des positions politiques.
A part cela, notre groupe continue sa vie et je dirai qu’il la continue même très bien. Les discussions se poursuivent et les problèmes sont précisés. Je viens de terminer mon rapport sur le parti et il fait l’objet d’une discussion acharnée. De son côté, Pierre dont j’apprécie de plus en plus la personnalité et la profondeur de pensée, est en train d’écrire la brochure sur les 100 ans du Manifeste Communiste. Cette brochure que nous corrigeons et re-corrigeons sans cesse, s’annonce comme quelque chose sortant de l’ordinaire. Je vais dès que possible t’envoyer un exemplaire... Nous serons contents de recevoir en retour tes remarques et critiques.
10 août 1948 (suite de la lettre précédente non envoyée)
Je suis absolument condamnable, et ne peut rien requérir à ma décharge. Commencée à Paris il y a deux mois, elle est restée inachevée. Pourquoi ? J’aimerais mieux me faire reconciser que de répondre à cette question. Pourquoi ? Pourquoi ? Pour rien (long passage illisible...)
Je suis arrivé ici très fatigué et un peu démoralisé par le chômage. J’étais absolument incapable de me concentrer et de faire tout effort. Je me suis laissé complètement aller, sans penser, sans lire, sans écrire. Livré au soleil, trempé dans la mer, on appelle çà, je crois, un état de dépression.
Voilà trois semaines que je suis là et cela m’a fait du bien. Dans 2-3 jours je repars vers Paris (...) Cela me sortira pour longtemps du pétrin, me donnera la possibilité d’entrer aux USA et attendre en se préparant l’orage qui tôt ou tard ne manquera pas d’éclater sur nos têtes. Vous avez vu, un nouveau gouvernement de Blum à Reynaud, l’homme de 39-40 revient. Attention à la casse !
Pas de nouvelles très réjouissantes dans ma vie individuelle. En quelques semaines j’apprends la mort de mon frère assassiné dans une embuscade en Palestine, et la mort de mère qui n’a pas pu supporter ce choc. Le père qui a 76 ans est seul, obligé d’intégrer un asile de vieillards (...)
Je compte donc sur votre générosité et grandeur d’âme pour ne pas me tenir trop rigueur de mon silence, et de m’écrire.
Votre Marc.