Tchaadaïev, d’origine aristocratique, étudie à Moscou. Il est officier dès 1812, participe aux guerres napoléoniennes, mais quitte avec éclat une carrière qui s’annonce brillante en 1821.
Ami de Pouchkine et proche des décembristes, il part pour l’Occident et reste à l’écart des événements de 1825. De retour à Moscou, il s’enferme et rédige ses fameuses Lettres philosophiques (publiées en français) qui circulent bientôt en manuscrit. En 1836, la publication de l’une d’elles dans le journal Teleskop provoque une émotion considérable. La revue est fermée, le rédacteur Nadejdine exilé et Tchaadaïev, déclaré fou, est assigné à son domicile, avec visites de médecin et interdiction d’écrire pendant plus d’un an. Il hantera jusqu’à sa mort les salons moscovites.
Influencé par les théoriciens (J. de Maistre, Bonald, Chateaubriand) et par les idéalistes allemands (J. Stilling, Schelling), Tchaadaïev médite sur la Russie et élabore une philosophie de l’histoire. Il condamne l’Antiquité, la culture grecque « apothéose de la matière » ; exalte le Moyen Âge, l’unité de l’Europe chrétienne sous la direction de Rome. La grandeur de l’Occident est née du conflit entre la barbarie nordique et la spiritualité chrétienne. Rien de tel en Russie : ni traditions, ni souvenirs, mais le joug tartare, un pouvoir brutal, la superstition et l’ignorance. La Russie ne figure-t-elle donc pas parmi les peuples historiques ? Conception sacrilège pour l’orgueil national, cette négation passionnée d’un peuple et de son image coalise contre elle des opinions par ailleurs opposées. Tchaadaïev ne renonce pourtant pas à l’avenir. Masse primitive, chaotique, la Russie a besoin d’un principe directeur ; il lui propose le modèle de l’Occident catholique. Sans accepter ses conclusions, des penseurs comme l’occidentaliste Herzen ou le slavophile Ivan Kireïevski ont été ébranlés par son réquisitoire.
Orthographes alternatives : Tchadaief, Chaadaev, Petr Âkovlevic Caadaev.
Sources :
— BOURMEYSTER Alexandre, Encyclopédia Universalis, article ;
Œuvres :
— TCHAADAÏEV Piotr Iakovlevitch, Œuvres choisies de Pierre Tchadaïef, publiées et préfacées par le Père Ivan Gagarin, Leipzig, 1862 ; rééd. Paris, Hachette, 1973 ;
— TCHAADAÏEV Piotr Iakovlevitch, Lettres philosophiques, adressées à une dame, présentées par François Rouleau, Paris, Librairie des Cinq continents, 1970 ;
— TCHAADAÏEV Piotr Iakovlevitch, Oeuvres inédites ou rares , éd. par R. McNally, F. Rouleau et R. Tempest, Meudon, Bibliothèque slave, 1990 ;
Bibliographie indicative :
— MANDELSTAM Ossip, Humanisme et contemporanéité, Piotr Tchaadaev, Harpo &, 2006 ;
— ROULEAU François, « Le dernier écrit de Chaadaev. Un inédit », Cahiers du monde russe, 15/3-4 ;