Ouvrier terrassier, arrêté le 20 juin 1917 et condamné à deux ans de prison pour avoir imprimé un numéro spécial du Libertaire [1].
Il partit pour Moscou pour assister au 2° Congrès de l’IC, qui allait se tenir du 19 juillet au 7 août 1920, en compagnie du métallo Marcel Vergeat, de l’écrivain H. Lefebvre et du traducteur Toubine. Ils rencontrèrent J. Sadoul, V. Serge et M. Body lors du II° Congrès : « Au II° Congrès de l’Internationale communiste participaient deux Français, de tendance anarcho-syndicaliste et membres de la CGT. Ils étaient venus avec la ferme intention de s’informer à fond de la réalité soviétique. Et pour être sûrs de ce que leur diraient ceux qu’ils interrogeraient, ils avaient emmené avec eux un Russe nommé Toubine, chargé de traduire questions et réponses.
L’esprit le plus critique et le plus réfractaire aux faux-semblants du système soviétique était à coup sûr Lepetit. Pourtant cet homme, dont les yeux reflétaient une flamme intérieure intense, souhaitait certainement, en se rendant en Russie, y trouver des raisons de recommander aux syndicalistes de la CGT de se ranger sans réserve aux côtés des dirigeants soviétiques et de ce qu’ils avaient accompli depuis la prise de pouvoir en Octobre 1917. [...] Lepetit fit un discours [lors d’une réunion publique du Groupe communiste français] qui bouleversa l’auditoire, [...] J’eus ce soir-là un aperçu de l’influence décisive qu’exercerait sur un congrès de la CGT l’intervention de Lepetit pour ou contre le soutien de celle-ci à la révolution d’Octobre.
Le jour suivant, Victor Serge et moi obtînmes l’autorisation de faire visiter les ex-usines Poutilov à nos quatre voyageurs. [...] Pendant deux ou trois heures nous déambulâmes à travers ces vastes ateliers qui, par manque de matières premières et de personnel, donnaient l’impression d’une paralysie complète. [2][...] L’air minable du personnel, son laisser-aller et son peu d’empressement au travail frappaient les visiteurs étrangers. En les voyant à l’œuvre, dans les usines dont ils étaient prétendument les maîtres, on avait du mal à croire que ces travailleurs bâtissaient un monde nouveau. [...] En quittant les usines Poutilov, où l’on nous avait laissé marcher sans s’occuper de nous, les réflexions de Lepetit et Vergeat étaient amères : ils ne cachaient pas leur déconvenue, car point n’était besoin d’interroger les ouvriers pour se rendre compte qu’ils n’étaient ni nourris ni vêtus. Et leur visage en disait long sur leurs sentiments intimes. [...] Le passage de nos quatre hôtes nous paraissait déjà un simple souvenir quand Victor Serge reçut de Lepetit une lettre alarmante. Las d’attendre sur une île déserte de la côte mourmane un bateau norvégien qui ne venait pas, nos quatre pélerins s’étaient fait ramener à Mourmansk. Ce retour, que les autorités locales, c’est-à-dire la police des frontières, leur avaient tout d’abord refusé, avait été obtenu à grand cri, car Lepetit et Vergeat s’étaient vite rendu compte qu’on les avait dirigés sur le Grand Nord pour les immobiliser afin qu’ils ne puissent arriver à temps à Paris pour participer au Congrès de la CGT ... » (in Body, Au cœur de la Révolution, pp. 158, 162-163 et 165)
Sources :
— BODY Marcel, Au cœur de la Révolution. Mes années de Russie (1917-1927), Éditions de Paris/ Max Chaleil, 2003 ; cf. pp. 159-168 ;
— SERGE Victor, Mémoires d’un révolutionnaire et autres écrits politiques, Paris, R. Laffont / Bouquins ; cf . pp. 592-593, 912 (note 1) ;
Bibliographie indicative :
— BROUE Pierre, Histoire de l’Internationale communiste, Fayard, 1997 ; cf. pp. 183-184 ;
— ROSMER Alfred, Moscou sous Lénine, Pierre Horay, 1953, rééd. F. Maspero, 1970 ;
[1] L’hebdomadaire Le Libertaire, fondé par Sébastien Faure en novembre 1895, parut jusqu’en juin 1914. Un journal éponyme de l’Union anarchiste parut de janvier 1919 à 1939. Ce deuxième périodique polémiqua d’abord avec Victor Serge (début des années vingt) puis prit sa défense en 1933-1936, sous l’impulsion entre autres d’Ida Mett.
[2] Body tord ensuite la barre, reconstruit l’Histoire sans tenir compte du contexte. En 1921, après sept années de guerre mondiale, de guerre civile et de blocus, la famine en Russie fera cinq millions de morts. L’Armée rouge, au prix d’un million de morts, a vaincu les armées Blanches et SR, l’armée anarchiste de Makno, les paysans révoltés de Tambov et les troupes de quatorze pays intervenus contre la Russie. Cf Broué, Le parti bolchevique, Editions de Minuit, pages 148-149 sur « La crise de 1921 ».