Arrivée encore enfant en Russie, rapidement polyglotte, Inessa découvre les écrits de Lénine et adhère définitivement au marxisme. Membre du parti bolchevik depuis 1904. De retour à Moscou, devenue socialiste active, elle est emprisonnée à plusieurs reprises. Après deux évasions, elle séjourne en Europe de l’Ouest. Dès 1910, elle est la plus proche collaboratrice de Lénine.
Elle est sa porte-parole lors de la conférence - qui se réunit à Bruxelles le 16 et 17 juillet 1914 - pour la réunification du POSDR, arbitrée par le BSI. Elle y défend que l’unité est possible dans un parti social-démocrate, entre l’aile révolutionnaire et réformiste, comme dans d’autres partis occidentaux. Mais, en Russie, ce sont les liquidateurs qui ont refusé de se soumettre à la majorité. La conférence votera pourtant une résolution qui affirme que les divergences tactiques ne justifient pas la scission et propose la participation de tous à un congrès général d’unification. Inessa Armand et le délégué letton sont seuls à ne pas voter un texte destiné à isoler Lénine des camarades plus « conciliants ». Mais la guerre interdit le Congrès international prévu à Vienne au mois d’août 1914.
Elle participe ensuite aux nombreuses conférences internationalistes (des femmes, de la Jeunesse, de Zimmerwald et de Kienthal), à la réalisation desquelles elle contribue de manière essentielle. Ainsi, lors de la « Conférence internationale des Jeunes, Inès, accompagnée de Safarov, fut plus favorisée : elle réussit à recruter à la cause du bolchévisme quelques adolescents dont l’Allemand Willy Münzenberg, sans arriver toutefois à sortir des limites de la stricte minorité où le parti qu’elle représentait demeurait confiné. » (in G. Walter, Lénine, p. 230).
En avril 1917, elle rentre avec Lénine en Russie.
Après la Révolution, elle s’engage à fond en faveur des revendications féminines, entre autres comme membre du comité du parti, du comité exécutif et de la section féminine du comité central qu’elle préside de 1919 à sa mort.
En 1918, elle est membre de la Fraction de Gauche du parti bolchevik : « Une fois de plus, Lénine se trouva en minorité. Contre lui se dressaient les communistes de gauche, prêts à rompre les pourparlers et à périr dans une lutte à outrance plutôt que de composer avec l’ennemi ; parmi eux, les militants les plus énergiques, ou les mieux doués, Boukharine, Piatakov, Préobrajenski, Radek, Ioffe, Krestinski, Dzerjinski, Pokrovski, Ossinski, Sapronov, Kollontaï, Inessa Armand et bien d’autres, soutenus dans les soviets par l’active fraction des socialistes-révolutionnaires de gauche. » (in Boris Souvarine, Staline, p. 194).
C’était « une vraie dame dans toute sa parfaite simplicité ! [...] Inès Armand, disait Bob Petit [1], connaissait l’œuvre de Marx et la pensée de Lénine mieux qu’aucun de nous. Elle représentait pour moi, malgré son effacement et sa réserve, l’idéal de la militante. Au 1er Congrès [de l’IC], elle servit à la fois d’interprète, d’hôtesse, de conseillère, de responsable politique à divers étrangers. » (in D. Desanti, L’Internationale Communiste, p. 44).
Œuvres :
— ARMAND Inessa, Articles, discours et lettres, Moscou, Édition de la littérature politique, 1975 ;
Sources :
— BODY Marcel, Au cœur de la Révolution. Mes années de Russie (1917-1927), Éditions de Paris/ Max Chaleil, 2003 ; cf. p. 240 ;
— BROUÉ Pierre, Le Parti bolchévique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1977 ; cf. pp. 50 [« jusqu’à la révolution sociale, la social-démocratie présentera inévitablement une aile opportuniste et une aile révolutionnaire »] et 584 ;
— BROUÉ Pierre, Histoire de l’Internationale communiste, Fayard 1997 ; cf. pp. 111 et 962 ;
— DESANTI Dominique, L’Internationale communiste, Bibliothèque de culture historique, 1969 ; cf. pp. 16, 20 et 44 ;
— FAYET Jean-François, Karl Radek (1885-1939), Biographie politique, Lausanne, Peter Lang, 2004 ; cf. pp. 175, 189, 207 et 773 ;
— GOTOVITCH José (collectif), Komintern : l’histoire et les hommes. Dictionnaire biographique de l’Internationale communiste, Paris, Éditions de l’Atelier, 2001 ; cf. pp. 130-131 ;
— HAUPT Georges et MARIE Jean-Jacques, Les bolcheviks par eux-mêmes, Paris, François Maspero, Bibliothèque Socialiste n°13, 1969 ;
— International Communist Current, The Russian Communist Left (1918-1930), 2005 ;
— MARABINI Jean, L’Etincelle. Lénine, organisateur de la Révolution russe, Paris, Arthaud, 1962 ; cf. pp. 27 et 96 ;
— SOUVARINE Boris, Staline, paris, Ivrea, 1992 ; cf. pp. 133 [sur la conférence de Bruxelles] et 194 ;
— SCHAPIRO Leonard, Les Bolchéviques et l’Opposition, Paris, Les nuits rouges, 2007 ; cf. pp. 37, 40, 447 (note 14) [sur les lettres de Lénine à I. Armand, rédigées entre novembre 1916 et février 1917, récemment publiées pour la première fois], 508 [liste des principaux Communistes de gauche] ;
— WALTER Gérard, Lénine, Paris, Marabout, 1950 ; cf. pp. 196-198 [description et activités au service du Parti + note de bas de page où Walter annonce ses sources], 206, 214-215, 227-231 [sur les activités en Suisse et le groupe de Boukharine, fixé à Baugy près de Lausanne], 239-240, 248, 268-271 [sur le retour en train par l’Allemagne], 289 et 454 ;
[1] PETIT Robert (1893-1951) : membre de la mission militaire, il adhère au Groupe communiste français. Après un temps d’hésitation, il se prononce contre les Oppositions et sert en France de relais aux gens de la Comintern. Il meurt en Hongrie.